Mercredi 2 août, , le secret du coffre maudit débarque dans nos salles obscures après avoir écumé les écrans outre-Atlantique, faisant tomber tous les records. Il n’en fallait pas plus à la plume toujours aiguisée de Rafik Djoumi pour revenir sur la longue tradition des films de pirates au cinéma.

Sommaires

1. Capitaine Blood (1935)

De Michael Curtiz avec Errol Flynn

A une époque où les gangsters, les danseuses et les comiques de scène dominaient le grand écran, l’année 1934 vit le succès surprise de L’île au trésor (voir plus loin) et du Comte de Monte Cristo. La Warner capitalisa sur le retour au swashbuckler avec ce qui n’était au départ qu’un projet de seconde zone, tiré d’un roman de Rafael Sabatini déjà adapté en 1924, et porté par le visage d’un acteur australien inconnu : Errol Flynn (les stars masculines d’alors, Frederic March, Robert Donat, Howard Brent ou Leslie Howard, avaient poliment fait connaître leur désintérêt).

Plus ou moins livré à lui-même, le réalisateur Michael Curtiz, qui n’avait pas vraiment eu l’occasion d’œuvrer ouvertement dans le spectaculaire depuis ses premiers films autrichiens, fut pris d’une crise aventuresque aiguë. Ses mouvements de caméra, ses jeux d’ombres, son utilisation mathématique et épurée de chaque recoin de décor, couplés à une influence manifeste du baroque européen dans les séquences en Jamaïque (visages en sueur, vêtements déchirés, compositions surchargées en profondeur, effets de miroir pour suggérer les reflets de l’eau etc.) allaient définitivement marquer le genre. Cette frénésie esthétique fut telle, et nécessitait tellement d’efforts au tournage, que le producteur Hal Wallace dut rappeler au cinéaste de ne pas oublier de filmer quelques gros plans des visages de comédiens ! Pourtant, la direction d’acteurs fut suffisamment impressionnante pour que le jeu de Flynn s’améliore à une vitesse supersonique. Impressionné, le studio finit même par réclamer que ses toutes premières séquences soient retournées.

Intégralement tournées en studio, les séquences d’abordage furent conçues en maquette et en rétro-projection (effets aujourd’hui visibles, mais diablement impressionnants pour leur époque) tandis que les combats à l’épée furent confiés au bon soin de Fred Cavens, premier grand maître épéiste à œuvrer à Hollywood. L’acteur Basil Rathbone, spécialisé dans les figures de bad guy, avait été formé par Cavens et maîtrisait admirablement le tempo et la gestuelle. Flynn, d’un naturel gracieux, fut quant à lui initié en quatrième vitesse, et c’est véritablement Rathbone qui le guide dans leur magnifique duel final en bord de mer. Cerise sur le gâteau, ce qui était déjà devenu un film d’aventure de très haut standing fut catapulté vers les étoiles par la partition d’un exilé autrichien surdoué : Erich Wolfgang Korngold. Ne bénéficiant que de trois semaines pour écrire plus de deux heures de musique, ce dernier insista pour que les arrangements soient attribués dans le générique au compositeur Franz Liszt, alors que, dans l’urgence de son travail, il ne lui avait en fait emprunté que quelques couplets.

Bien que n’apparaissant pas dans les priorités du studio, Capitaine Blood fut un succès fulgurant, scellant la carrière du trio Michael Curtiz-Errol Flynn-Olivia De Havilland sur plusieurs films ultérieurs (Les Aventures de Robin des Bois, La Charge de la brigade légère, La Piste de Santa Fé) et confirmant que le public de la Dépression était dorénavant prêt à repartir à l’aventure.

Il fut un temps question que John McTiernan réalise un remake de ce joyau, sur un script de Jonathan Hensleigh (Die Hard 3), mais en 1995, la boursouflure harlinesque de l’Ile aux pirates condamna tout projet swashbucklesque pour plusieurs années (le Mistress of the Seas de Paul Verhoeven fut stoppé net à cette même époque)

3. Le Corsaire rouge (1952)

De Robert Siodmak, avec Burt Lancaster

Enfin un grand film de pirates en couleurs ! Deux ans après le succès de La Flèche et le Flambeau, où les anciens acrobates Burt Lancaster et Nick Cravat avaient su faire fructifier leurs années de cirque, la Warner commanda un nouveau film d’aventure, avec ce même duo de comédiens et le même scénariste Waldo Salt. En mai 1951, alors que le tournage du Corsaire Rouge venait à peine de débuter dans les environs de Naples, Waldo Salt fut dénoncé comme communiste à la Commission des activités anti-américaines, et le studio dut déchirer en catastrophe son scénario. Siodmak, Lancaster et Cravat durent dès lors improviser sur le vague souvenir qu’ils avaient de l’histoire. Les duettistes acrobates en profitèrent pour recycler plusieurs de leurs anciens numéros, tirant un film déjà pas très sérieux vers les rivages de la comédie burlesque. Et contrairement à ce qu’on aurait pu craindre, le détournement fut payant. Sans le réaliser vraiment, l’équipe du film venait de remonter le temps, renouant avec l’époque où le Cinématographe était avant tout une attraction foraine. Réalisé solidement mais sans génie particulier par Siodmak (infiniment plus à l’aise avec le film noir), Le Corsaire Rouge se distingue très clairement par sa légèreté de ton et ses numéros d’équilibrisme, où les héros sont poursuivis sans fin par des gardes crétins et maladroits (le studio Disney saura s’en souvenir en adaptant son Aladdin). La photographie technicolor d’Otto Heller (Tueurs de dames, Le Voyeur) achève de lui donner les atours d’une véritable friandise. Enfantin, libérateur, et certainement moins ampoulé que La Flèche et le flambeau, Le Corsaire Rouge est dès lors devenu l’hôte récurrent des séances télé matinales réservées aux gamins américains. Fort de ce succès, Lancaster laissait tomber les prouesses physiques pour se lancer dans la carrière de grand acteur dramatique qu’on lui connaît.

4. Barbe Noire le pirate (1952)

De Raoul Walsh, avec Robert Newton

Comment un projet vaguement conçu pour les gosses a-t-il fini par devenir un film quasi-diabolique ? Envisagé au départ pour le spécialiste du film d’épouvante Val Newton, avec Boris Karloff dans le rôle principal, le projet échoua entre les mains de Raoul Walsh, en contrat avec la RKO, suite au décès soudain de Val Newton. Walsh insista pour le que le rôle titre soit tenu par Robert Newton, qui avait interprété un Long John Silver tout à fait convaincant dans la pourtant pas fameuse Ile au Trésor du studio Disney. D’abord galvanisé par son metteur en scène, le comédien finit par lui échapper complètement et partit dans un jeu à l’excès improbable. Laissant plus ou moins faire, Raoul Walsh dirigea l’entreprise à distance, semblant s’amuser à insister sur les invraisemblances d’un script trop vite écrit (les gentils héros passent leur temps à fond de cale) et n’hésitant pas à appuyer sur des effets gore surprenants pour l’époque (tête coupée au milieu de la place du Marché, pirate enterré jusqu’au cou à la marée montante). Le technicolor est ici époustouflant, et ses violents contrastes ne font rien pour calmer des visages déjà bien habités. On serait presque tenté de considérer que Raoul Walsh préfigure à l’occasion Sergio Leone, tant il fait du film de pirate ce que l’Italien fera plus tard du Western : un regard à la fois désabusé et fasciné sur le genre, un jeu perpétuel avec les codes du récit, doublé de clins d’œil au public, et enfin une exagération graphique qui fait basculer son film d’aventure dans le quasi-fantastique (peut-être des restes du projet Val Lewton-Karloff). Suite à son rôle supersonique, Robert Newton sera définitivement catalogué, et il parodiera ce qui était déjà une parodie dans des comédies Disney. Une chose est sûre, aucun acteur dans l’Histoire n’est parvenu à interpréter un salaud de pirate avec une telle fougue et une aussi sublime évidence que dans ce Barbe Noire affreusement jouissif.

Note : la copie du DVD français est sombre, mal contrastée, griffée et aux couleurs délavées. Le film semblant perdu dans quelque limbe juridique, il n’est semble-t-il pas prêt à reparaître dans une version décente.

5. The Black Pirate (1926)

D’Albert Parker, avec Douglas Fairbanks

Fascinant de constater que, près d’un siècle plus tard, l’emprise de Douglas Fairbanks senior sur les codes du cinéma d’aventure ne s’est pas démentie. Cinéastes et public continuent de se référer (la plupart du temps sans le savoir) à SA vision de l’héroïsme, et les caractéristiques des personnages qu’il a incarnés pour le grand écran (Zorro, D’Artagnan, Le Voleur de Bagdad) n’ont pas changé d’un iota malgré des centaines d’interprétation. Son Black Pirate ne fait pas exception. Dès 1926, tout est déjà là : le héros à double visage, à la fois noble de cœur et obsédé par la vengeance ; sourire moqueur qui défie l’ennemi, mains sur les hanches et jambes légèrement écartées ; l’équipage aux tronches patibulaires (interprété par d’authentiques soldats de la Marine) ; la jeune fille noble en péril ; les abordages sauvages ; les orgies de taverne ; et enfin LA figure de style reprise régulièrement, où Fairbanks se sert d’un poignard pour descendre du mât en déchirant la grande voile (un exploit physiquement impossible, soit dit en passant, dont les os de Fairbanks firent les frais avant que ne soit mis au point un système de balancier complexe caché derrière la voile).
Tourné dans un magnifique technicolor bichrome, procédé alors totalement expérimental, le film dut être exploité en simple noir et blanc car les projectionnistes ne savaient pas manipuler ce nouveau type de bobine et endommageaient les onéreuses copies. Cette version couleur fut restaurée dans les années 90 et est aujourd’hui disponible chez l’éditeur Kino Video en toutes zones.

6. La Flibustière des Antilles (1951)

De Jacques Tourneur, avec Jean Peters

En confiant un film de pirates à Jacques Tourneur (La Féline, Vaudou), cinéaste volontiers versé dans l’ésotérisme et la psychanalyse, la Fox ne réalisait peut-être pas l’ingéniosité de cette commande. Inspiré par les personnages bien réels d’Anne Bonny et de Mary Read, qui écumèrent les mers au XVIIIème siècle, ce Anne of the Indies (titre original) sera un des très rares films, dans la misogyne Amérique des années 50, à aborder la féminité sous un angle transgressif. En fille adoptive de Barbe-Noire, à la tête d’une belle brochette d’assassins, Jean Peters sonne étonnamment juste sous le masque d’une femme qui a dû refouler toute féminité, afin de survivre et dominer un univers d’hommes. En tombant amoureuse d’un prisonnier français (Louis Jourdan), elle laisse s’éveiller une sexualité rendue sauvage par son long refoulement, et se voit lutter contre des pulsions qui la détruiront après avoir détruit son entourage par procuration. Tourneur joue explicitement avec l’idée d’un Destin qui enserre et broie ses protagonistes (l’héroïne ne s’appelle pas Anne Providence pour rien), alterne des codes couleur chargés de signifiant « psy » (oppositions entre le rouge vif et l’or) et fait de l’aventure dramatique d’Anne une plongée dans les mystères de l’identité (dans ce monde pas si fictif, on « choisit » d’être un homme ou une femme). Tout occupé à brosser des thèmes qu’il avait déjà longuement explorés dans ses chefs-d’œuvre du fantastique, Tourneur n’oublie pourtant jamais de respecter les codes de sa commande et sert idéalement le genre présent : duels à l’épée, abordages, scènes de taverne, course au trésor… Epaulé par une partition gracieuse du grand Franz Waxman (qui s’éloigne du modèle de Korngold pour remonter vers le romantisme européen du XIXème), Anne of the Indies paie son tribut au glamour de l’époque (technicolor oblige) mais s’offre une violence contenue, et forcément sexuelle, rarement évoquée aussi directement dans le film de pirates. De quoi songer immanquablement au projet similaire que Paul Verhoeven tenta de monter dans les années 90, avec Michelle Pfeiffer dans le rôle principal, et dont le titre La Maîtresse des Mers laisse rêveur.

7. L’île au trésor (1934)

De Victor Fleming, avec Wallace Beery

Attention à ne pas confondre cette perle macabre, en noir et blanc, avec la version couleur toute flasque que le studio Disney livra en 1950. Quatrième adaptation du célèbre roman de Robert Louis Stevenson mais première dotée du son, le succès de cette île au trésor relança à lui seul le swashbuckler à Hollywood. Porté par le duo Wallace Beery – Jackie Cooper (qui avait fait chialer la terre entière quelques mois plus tôt avec Le Champion), l’adaptation de Victor Fleming est la plus théâtrale mais paradoxalement la plus magique, l’auteur semblant déjà sur le fil qui allait le mener plus tard à son Magicien d’Oz. Outre l’interprétation possédée de Wallace Beery, cette magie doit beaucoup au respect de la teinte agressive voire violente du roman originel (une « magie violente » qui ne lui sera contesté que par Les Contrebandiers de Moonfleet), et qui atteint au sublime durant toutes les séquences de première partie autour de la taverne. L’ambiguïté du rapport entre le jeune héros et Long John Silver n’a jamais été aussi bien servie, le public étant familier du couple Beery-Cooper, entièrement concentrée sur l’alchimie qui les unit, et prêt en conséquence à toutes les interactions limites que le roman suggère. Habituée des rediffusions à la télé américaine, la version Fleming a imposé au genre sa mise en image quasi-expressionniste, et les roulements d’yeux de Wallace Beery se sont prolongés jusqu’au récent dessin animé Disney La Planète au trésor. Quant à la chanson qu’interprète Beery avec truculence, « Fifteen Men On A Dead Man’s Chest », on vous laisse deviner à quel sous-titre de blockbuster récent elle a servi.

8. Les Contrebandiers de Moonfleet (1955)

De Fritz Lang, avec Stewart Granger

Considéré par la première équipe des Cahiers du Cinéma comme le meilleur film d’aventure jamais fait, Moonfleet conclua sur une note d’amertume cinq années qui avaient vu se succéder plusieurs joyaux du film de pirates. La MGM confia le projet à Fritz Lang, et l’obligea à tourner pour la première fois dans un format qu’il détestait, le Cinémascope. (« juste bon à filmer les serpents et les enterrements » dira-t-il alors). Très librement inspiré par le roman de John Meade Falkner, qui était déjà une forme de prolongement de la première partie de L’île au trésor de Stevenson, le film Moonfleet s’accapare les visions baroques de l’auteur pour nous guider avec insistance vers le surréalisme, puis aux rives du cinéma d’épouvante. Toute l’expérience du film se fait à travers le regard de l’enfant qui lui sert de héros, et Lang fit construire des décors tout en largeur (inspirés notamment par le peintre Hogarth) pour mieux isoler les personnages dans le cadre et suggérer l’étendue d’intérieurs que seul un tel regard enfantin peut concevoir. Violent, pour ne pas dire sadique, le film de Lang n’autorise jamais son spectateur à douter que son jeune héros, entouré de pirates ou de gentilshommes tous plus assassins les uns que les autres, pourrait mourir à tout instant, rendant ainsi certaines séquences (la plongée dans le puits) hautement éprouvantes. L’autre formidable particularité de Moonfleet est qu’il s’agit sans doute du seul grand film de pirates entièrement terrestre, aucune scène de voyage en bateau ne venant égayer une intrigue macabre gravitant autour d’un précieux cercueil. Pourtant la mer y est omniprésente, à travers une bande son où les roulis des vagues s’accordent à la respiration des protagonistes, à travers un ciel peint toujours menaçant, et enfin à travers ses personnages d’adultes qui semblent littéralement apparaître et disparaître dans cet océan pour venir occuper bruyamment l’univers du jeune héros, tels des fantômes voguant entre le monde des morts et des vivants. Avant sa sortie, quelque peu effrayée par la noirceur du métrage, la MGM remonta partiellement l’œuvre, déclenchant la fureur de son réalisateur. Des années plus tard, pourtant, ce dernier reconnaîtra que certaines modifications (dont une fin qui suggère un happy end) s’accordaient avec le sens de son récit.

9. Pirates en vrac

Cyclone à la Jamaïque (1965)

D’Alexander Mackendrick, avec Anthony Quinn, James Coburn

Le film qui brisa la carrière d’un des plus grands cinéastes anglais du XXème siècle. Production onéreuse de la Fox, filmée dans un cinémascope majestueux et photographiée par le grand Douglas Slocombe (Indiana Jones), A High Wind in Jamaïca suit l’étrange épopée d’un groupe d’enfants anglais de bonne famille kidnappés par un groupe de pirates (mené par Anthony Quinn, abonné à ce rôle).
Guidé par son incroyable sens du récit, Alexander Mackendrick (Tueurs de dames, Le Grand chantage) y alterne l’aventure, la farce, la nostalgie et le drame le plus épouvantable, sautant d’un extrême à l’autre en seulement quelques secondes. Réflexion inédite sur le sens du mot « civilisé », mettant en scène crûment la vie et la mort, le film distille une atmosphère onirique, et demeure un des très très rares films à avoir abordé l’enfance en gardant à parts égales sa part d’enchantement et d’effroi absolu. Suite à l’échec fulgurant de cette œuvre inclassable, Mackendrick réalisa une petite comédie et abandonna purement et simplement la mise en scène pour se consacrer à l’enseignement (parmi ses élèves, John Lasseter, Tim Burton, Stephen Frears, James Mangold et beaucoup d’autres) Abandonné et oublié par son studio, Cyclone à la Jamaïque est hélas aujourd’hui un film quasi-invisible.

Capitaine sans peur (1951)

De Raoul Walsh, avec Gregory Peck

Conçu au départ pour Errol Flynn, Captain Horatio Hornblower fut en définitive interprété par le plus réservé Gregory Peck. Pour le mieux serait-on tenté de penser, puisque cette nouvelle tonalité offrit l’occasion à Raoul Walsh de délaisser l’action aventure pur jus et tenter un étrange regard documentaire sur le métier de flibustier, annonçant le tournant introspectif que prendrait dorénavant sa carrière.

Les Flibustiers (1938)

De Cecil B. De Mille, avec Frederic March

Décidé à apposer sa patte de pur homme de spectacle à chaque genre populaire, Cecil B. De Mille ne pouvait manquer l’occasion de flirter avec la flibuste. Adaptation romancée des exploits de Jean Laffite, dans sa guerre contre les contrebandiers à l’embouchure du Mississippi en 1812, le film ne manque pas d’instants « demillesques », et notamment une bataille furieuse entre des frégates armées de canons et des marins au sol, le tout sur un bord de plage qui finira par crouler sous les cadavres. Anthony Quinn devait à l’origine interpréter le rôle principal avant que De Mille ne lui préfère en dernière minute Frederic March, et rétrograde Quinn en second rôle. Ce dernier se vengera de l’affront en réalisant lui-même en 1958 un remake de l’œuvre.

Le Cygne noir (1942)

De Henry King, avec Tyrone Power

Après avoir interprété le meilleur Zorro de tous les temps, Tyrone Power se glissa dans la peau de Jamie Waring, personnage créé par l’incontournable Rafael Sabatini, vaurien au grand cœur fidèle au fameux pirate Henry Morgan, et cherchant à débarrasser les Caraïbes de ses derniers salopards. Si l’on peut regretter que Tyrone Power soit finalement trop beau et trop propre pour incarner idéalement un tel pirate, on se console assez vite avec une galerie de seconds rôles délicieusement suintants (George Sanders et Anthony Quinn en tête) et la direction vive et carrée d’Henry King. Mais le plus bel atout de cette luxueuse production réside dans la photographie technicolor exceptionnelle de Leon Shamroy et la musique enlevée d’Alfred Newman, qui se retrouveront tous deux aux Oscars.

Pirates (1986)

De Roman Polanski, avec Walter Matthau

Prévu pour être tournée en 1974, cette version flibustière du Bal des Vampires, oscillant entre l’hommage et la parodie, mit dix ans à se monter suite aux déboires multiples de son réalisateur. Prévu pour Jack Nicholson (qui se désista comme un flan), le rôle du Capitaine Red échut au comique Walter Matthau, que personne n’imaginait dans un tel rôle et qui s’avéra le choix de casting idéal. Faisant de ses deux héros une réplique troublante du duo Tintin-Capitaine Haddock, Polanski accouchera d’un film agréable mais incomplet, trop sage pour une comédie, trop détaché pour fonctionner comme un vrai film de pirates. La carte gagnante viendra du décorateur Pierre Guffroy, dont la reconstitution luxuriante et historiquement juste marque à jamais la rétine lorsqu’elle est projetée sur grand écran.

10. Pirates exotiques

Dr Wong et les pirates (1994)
De Tsui Hark, avec Chiu Man-Cheuk

5ème aventure du Dr Wong Fei-Hung à émerger dans les années 90, cet épisode atrocement divertissant voit le retour à la barre du grand Tsui Hark (après un quatrième épisode mou du cartilage réalisé par un assistant). Jouant la carte d’un premier degré rageur, mêlant la chorégraphie martiale la plus équilibriste à une imagerie héritée du vieil Hollywood, Dr Wong et les pirates est peut être bien le dernier film en date à avoir porté aussi haut les valeurs d’une croyance absolue dans le genre. 0% de cynisme et pas l’once d’un clin d’œil au public.

Le Marin des mers de Chine (1983)

De et avec Jackie Chan

Situé pour une grande part dans le Hong Kong du XIXème siècle, Project A n’est pas à proprement parler un film de pirates. Mais l’assaut d’une île dans sa dernière bobine réveille immanquablement quelque frisson descendant en droite ligne de L’île au trésor ou de l’Aigle des Mers. La castagne jackiechanesque qui y fait suite n’en devient que plus jouissive.

Sinbad le marin (1947)

De Richard Wallace, avec Douglas Fairbanks junior

Si l’on excepte sa sensualité presque inconvenante (pour l’époque du moins), cette version du plus célèbre conte des 1001 nuits est l’une des rares, si ce n’est la seule, dont le visuel nous donne l’impression d’avoir littéralement plongé dans une illustration enfantine. Qu’il s’agisse du technicolor surnaturel de George Barnes ou des décors ultra-too-much d’Albert D’Agostino et Carroll Clark, chaque intérieur de palais ou bord de mer ferait passer le Aladdin de Disney pour un documentaire sur le conflit irakien. Si les adaptations suivantes bénéficieront de l’apport définitif de Ray Harryhausen aux effets spéciaux, aucune n’atteindra la qualité onirique de cette version particulière.

Les Révoltés du Bounty

Des trois versions disponibles de ce classique marin, préférez sans hésiter celle en noir et blanc, dirigée par Frank Lloyd (1935) avec Charles Laughton (best actor ever) et Clark Gable en têtes d’affiches. La version couleur de Lewis Milestone (1962) n’est restée dans l’histoire que pour son budget explosé, son tournage bordélique et son Marlon Brando abonné aux tabloïds. L’immense David Lean a longtemps travaillé dans les années 70 sur sa propre adaptation, qu’il concevait en deux parties de trois heures, mais l’essentiel de son travail lui a été tout bonnement subtilisé par le producteur Dino De Laurentiis, qui le confia en 1984 au transparent Roger Donaldson pour en faire une version allégée, avec un casting rétrospectivement prestigieux (Mel Gibson, Anthony Hopkins, Laurence Olivier, Edward Fox, Daniel Day-Lewis, Bernard Hill et Liam Neeson) mais débarrassé de toute la grandeur, la fureur et la subtilité que Lean avait cherché à conférer à ce récit complexe.